Les gamins de Saint-Nazaire remplissent leur mission : transmettre, toucher, rassembler

LA BAULE (44) – Projection du film documentaire ‘les gamins de Saint-Nazaire’
Ce vendredi 23 mai 2025, en soirée, il y avait comme un petit frisson d’histoire dans l’air iodé de la Côte d’Amour. Au cinéma Le Gulf Stream de La Baule, deux missions très différentes se jouaient simultanément sur grand écran : l’une confiée à Tom Cruise, cascadeur intergalactique de la saga Mission Impossible ; l’autre portée par une bande d’enfants… enfin, d’anciens enfants, nazairiens de cœur et de mémoire, dans le documentaire Les Gamins de Saint-Nazaire. Et, aussi incroyable que cela puisse paraître, ce soir-là, l’ombre n’est pas venue d’un hélicoptère de la CIA, mais bien de Saint-Nazaire.
Les Gamins de Saint-Nazaire : quand un documentaire fait de l’ombre à Tom Cruise à La Baule

‘Les Gamins de Saint-Nazaire‘ ont volé la vedette à Tom Cruise
Oui, vous avez bien lu : le film documentaire ‘Les Gamins de Saint-Nazaire‘ a volé la vedette à Tom Cruise. Car pendant que ce dernier escaladait un barrage nucléaire à mains nues ou désamorçait un drone à la force du regard (on ne sait plus très bien), une salle entière riait, pleurait et surtout, écoutait ces voix d’hommes et de femmes qui, enfants durant la guerre, livrent aujourd’hui leurs souvenirs dans un documentaire bouleversant. Des témoignages rares, précieux de ces enfants de cette époque et qui témoignent aujourd’hui.
À croire que la véritable mission impossible, ce soir-là, c’était pour Tom Cruise de remplir sa salle face à cette ruée vers la mémoire collective. ‘On pensait qu’on s’était trompé d’horaire’. ‘On voyait tout le monde entrer pour Les Gamins de Saint-Nazaire‘, plaisante un spectateur de la séance Mission Impossible.
Les Gamins de Saint-Nazaire rassemble toutes les générations.
Ce succès n’est pas un coup isolé : depuis plusieurs semaines, le film documentaire ‘les gamins de Saint-Nazaire’ connaît un beau succès dans la région de Saint-Nazaire. Partout où il est projeté, il suscite le même engouement. Peut-être parce que ces ‘gamins’ ont quelque chose d’universel. Ils parlent de leur ville, mais aussi de l’enfance face à l’Histoire, de la résilience, et de la transmission. Et sans effets spéciaux.
Mission accomplie pour les Gamins de Saint-Nazaire
Bref, entre cascades numériques et émotions bien réelles, les spectateurs Baulois ont choisi : ce soir-là, la vraie mission accomplie, c’était celle des Gamins de Saint-Nazaire. Bravo à eux. Tom n’a qu’à bien se tenir : à Saint-Nazaire, la mémoire ne s’efface pas, elle se murmure de génération en génération.
À suivre dans les prochaines projections, Les Gamins de Saint-Nazaire pourraient bien entamer une tournée aussi épique que celle des Rolling Stones. Sans guitare, mais avec des souvenirs qui résonnent bien plus fort.

Echos du film
Recueillis par Christophe RICHARD secrétaire du Musée-Saint-Nazaire.bzh
79 spectateurs ont assisté à la projection du film documentaire ‘les gamins de saint Nazaire’, en présence de Jean Yves le Huédé et Caroline Glon, représentants de la municipalité bauloise. L’après séance a fait l’objet de nombreuses questions et précisions, non sans émotion parfois, de la part des personnes présentes, dont une majorité de femmes.
Au niveau de l’habitat, il est précisé que la ville détruite à un peu plus de 70%, a pu être reconstruite progressivement, par une main d’œuvre importante étrangère, composée en partie d’algériens, de kabiles, d’espagnoles et autres. Le marché de la reconstruction a été remporté à maintes reprises par des entreprises parisiennes, parfois, souvent, peu scrupuleuse de la qualité, que l’indisponibilité de certains matériaux n’explique pas tout. Cependant certains logements dont ceux de Kerlédé ont été pensés avec intelligence, en plus du confort intérieur. Chaque bungalow de cette cité provisoire, située à l’emplacement actuel du bar ‘la baraka’ offrait une vue sur l’estuaire et judicieusement placé en quinconce, pour préserver autant que faire se peut, l’intimité. La première cité HLM engagé par le Ministère de la Reconstruction en lien avec la municipalité, a été construite sur le quartier de ‘Toutes Aides’. Jean Yves le Huédé précise même, que les habitants circulaient sur des planches pour éviter d’avoir les pieds boueux et les gamins s’amusaient, à se laisser glisser sur les buttes de terre. Il n’y avait pas de discrimination entre enfants, à côté des HLM, il y avait des maisons d’ingénieurs et on était tous copain.
Il y avait une certaine forme de solidarité entre gens d’horizon divers: un cadre qui possédait une 203 Peugeot, transportait aussi les gamins du quartier, dont les parents n’avaient pas de voiture, pour les conduire l’école. De même, il est évoqué la machine à laver collective, qui montait d’étage à étage après son utilisation à chaque niveau. On n’était pas riche, mais on était heureux. Cependant la solidarité de cette époque s’est progressivement dissipée, notamment avec la guerre d’Algérie. Un témoin a même affirmé ‘que notre jeunesse à été volée’.
Un autre témoin précise que l’arrivée des américains, a modifié l’état d’esprit. Les bals, les danses bretonnes étaient l’apanage des jeunes gens de la ville, alors et que les bars de nuit étaient fréquentés principalement par les soldats américains. Ils étaient mal vus car ces derniers demandaient à la patronne du bar, des filles disponibles pour des relations intimes. Les ‘ricains’ n’étaient pas aimés également, parce qu’ils ‘piquaient nos copines’. La police militaire U.S. était très présente et surveillait attentivement leurs soldats. Une spectatrice remercie les organisateurs de ce film et souhaiterait même une prolongation, sur la place des américains dans la cité.
Parmi les témoins des parcours de vie, ont été évoqués ‘une belle réussite sociale et professionnelle’, comme ingénieurs , voire directeurs. Jackez l’Héritier a même précisé son itinéraire. Sa sœur étant engagée dans des études, son père menuisier aux Chantiers navals, n’avait pas les moyens financiers de payer des études pour 2 enfants. Aussi il s’est arrêté pour aller travailler, quoique il était très souvent le premier de la classe. Les femmes à l’époque, avaient pour avenir les métiers de secrétaires, couturières ou élever les enfants. Beaucoup de femmes se mariaient d’ailleurs, pour échapper à un milieu familial très dur, avec souvent de l’alcool et de la violence. Certaines d’entre elles qui ont témoignées dans le film, sont restées très pudiques sur leurs conditions de vie ‘rustiques’. Il remercie son père pour avoir eu cette ouverture d’esprit et d’avoir encouragé sa fille, à faire des études.
Autre sujet évoqué, l’importance des colonies de vacances et des centres aérés: éducation à l’hygiène avec l’usage du dentifrice ou encore de changer de slip tous les jours. Les enfants découvraient aussi d’autres régions de France, d’autres modes de vie tout en profitant ‘du bon air ‘.
Un autre spectateur, évoque avec émotion, le drame des apprentis des chantiers navals lors des bombardements, d’autant plus que son père avait effectué son apprentissage, dans cette école de formation.
Il est regretté que le film n’évoque pas tous le sujets sur cette période, ce à quoi il a été répondu que le format C.N.C. limite la durée à 52 minutes, mais aussi parce que le film coûte 18000€ à la charge des initiateurs bénévoles. Pour l’instant, les institutions pour diverses raisons, ne se sont pas précipitées pour apporter leur contribution financière. C’est pour cette raison qu’il est fait appel aux dons des particuliers, entreprises ou mécènes, pour compléter les recettes des cinémas, afin d’équilibrer le budget actuellement déficitaire de 5000€. Ainsi il est reprécisé que les spectateurs ont la possibilité d’acheter en V.O.D. le film, dont les modalités d’achat sont explicitées sur le flyer qui a été remis à l’entrée.
Pour conclure, il est précisé que ‘si les mémoires s’éteignent, les œuvres et les murs demeurent’, une invitation est lancée au public, pour se lancer dans l’aventure, et poursuivre le devoir de mémoire, d’autant plus que l’espérance de vie de cette génération est comptée. L’association du ‘ vieux Saint Nazaire’ associée à celle du ‘musée des arts et métiers’ (musée-saint-nazaire.bzh) pour un projet de renaissance du musée à Saint Nazaire’, disposent de 35 heures de rushs exploitables pour enrichir le film actuel.